JEMA 2019

Du 1er au 7 avril 2019 a eu lieu les  Journées Européennes des Métiers d’Arts (JEMA). Cette année,  c’est le thème “métiers d’arts, signature des territoires” qui fut le fil conducteur du 13ème rendez-vous des JEMA. Chaque édition est un moment privilégié en faveur d’une meilleure reconnaissance des métiers d’arts ; l’occasion de faire découvrir le savoir-faire français souvent méconnu du grand public en entrant en immersion chez les professionnels, dans les centres de formation ou encore à travers des manifestations originales. Créativité, exigence, qualité ; le grand public a pu découvrir ce qui anime chaque jour ces passionnés et ce qui contribue à la richesse du patrimoine culturel français. Moteur de développement et de vitalité de nos régions, les JEMA sont le reflet du savoir-faire d’excellence à la française.

Lors de l’inauguration des JEMA à Clermont-Ferrand, M. Yves Roche, Président de l’UNAMA est intervenu, découvrez son discours :  

Mesdames, Messieurs bonsoir,

Comme de coutume, je viens vous délivrer un billet et j’espère que vous n’en garderez pas que la « partielle » mauvaise humeur en mémoire. Il y a des points positifs malgré tout à relever pour cette manifestation en particulier et pour les JEMA en général.

Ainsi je me réjouis sincèrement que nous soyons à nouveaux réunis après une interruption bien involontaire en 2018 pour proposer cette exposition au sein du Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes.

Quand je dis « nous », il s’agit bien entendu de toutes celles et tous ceux qui ont œuvré pour la tenue et, n’en doutons pas, pour la réussite de l’exposition que vous venez de découvrir.

Le 1er motif de satisfaction à énoncer est d’avoir été entendu et été écouté par le Président Laurent Wauquiez et les élus du Conseil Régional pour réaliser en ce lieu l’exposition des JEMA. Un remerciement spécial au Vice-Président délégué à l’aménagement du territoire et à la solidarité avec les territoires Auvergnats, Monsieur Brice Hortefeux et à Monsieur Frédéric Bonnichon, Conseiller régional. Tous les 2, chaque année, s’investissent pour la tenue de notre manifestation.

Je veux également remercier les personnels de cette grande maison qui, cette année encore, nous en ont aimablement ouvert les portes. Merci donc à Monsieur Franck Alcaraz, délégué général du site de Clermont-Ferrand et toute l’équipe du Pôle logistique et événementiel qui gère notre présence dans ces lieux.

Quand je dis « nous », il s’agit bien entendu des artisans, tout d’abord, qui font preuve de constance et démontrent leur capacité à se mobiliser pour offrir à voir leurs réalisations et leur métier, leur métier d’art. Je tiens donc à féliciter les 22 entreprises artisanales présentes en associant le groupement du Puy-de-Dôme et de l’Allier des Meilleurs Ouvriers de France pour nous avoir rejoints et avoir acceptés de présenter quelques-uns de leurs chefs d’œuvre. Si les métiers font partie de notre héritage, ils contribuent encore aujourd’hui au prestige de l’artisanat de la France dans le monde entier.

Je tiens à remercier la Chambre régionale de Métiers et de l’artisanat, son Président Serge Vidal pour avoir donné à cette manifestation une audience régionale. J’associe à ces remerciements Madame Sarah Poeyton, chef de projet Métiers d’Art à la Chambre régionale de Métiers et de l’Artisanat et coordinatrice des JEMA pour la grande région Auvergne-Rhône-Alpes.

Merci au Président Helbert pour l’aide logistique que la Chambre de Métiers et de l’Artisanat du Puy-de-Dôme nous a apportée pour la tenue de cette exposition.

Quand je dis « nous », il s’agit également des établissements scolaires professionnels et des centres de formations. Eux aussi, ils se sont de nouveau mobilisés pour démontrer que l’avenir des Métiers d’art et de nos artisanats existe bel et bien. Mais cette existence est fragile, souvent difficile, en tous cas peu favorisée quand elle n’est pas simplement confisquée au profit des discoureurs et des marchands du Temple. Je reviendrai sur ce point.

Cette jeunesse qui s’est mobilisée pour présenter leurs réalisations, c’est l’avenir de nos métiers. Ils sont professionnels en herbe, ils n’en sont pas moins professionnels. Que ce soit à l’école Nationale du verre, au sein du lycée Jean Monnet d’Yzeure ou à l’IFP43 de Bains avec la classe de BTMS Ebéniste restauration de mobilier, ces formations d’excellence leurs ouvrent les portes des ateliers les plus prestigieux. Il me faut saluer le centre des Monuments Nationaux représenté ce soir par Monsieur Lionel Arnault, administrateur de château d’Aulteribe puisque c’est dans la collection exceptionnelle de ce château que les élèves de BTMS puisent la matière première pour leurs deux années d’études.

Quand je dis « nous », c’est que j’associe également Christophe Gazel, le directeur de l’Institut de Prospective et d’Etudes de l’Ameublement qui, cette année encore, a fait un arrêt sur la route du salon de Milan pour nous transmettre avec toute la passion qui le caractérise, son savoir sur nos métiers.

Quand je dis « nous », c‘est que je parle en votre nom pour adresser une mention spéciale à l’IFP43 qui a préparé le cocktail qui sera servi pour clôturer cette inauguration. Mais surtout je tiens à le signaler, offre les plaisirs gustatifs de la soirée.

Merci Monsieur le Directeur.

Le manque de considération, d’écoute, de proximité n’est pas dans l’ADN de l’Artisanat et je me devais donc de prendre un peu de temps pour les remerciements. Faire œuvre d’humanité tout simplement !

Il est temps maintenant de parler des difficultés que rencontrent tant les Métiers d’art que ses principaux acteurs, les entreprises, les artisans et leurs salariés. Il est à croire en effet que la surdité et l’entre-soi soient les piliers de toutes les réflexions et décisions qui se trament en haut -lieu au sujet des Métiers d’art.

J’en donne pour preuve quelques éléments de réflexion : lorsque les Métiers d’art sont évoqués en haut lieu pour concevoir et mettre en œuvre une énième réforme destinée à enfin reconnaître cette activité créatrice pour sa place dans l’arsenal de valorisation de notre Pays, il n’est jamais question de considérer ces entreprises comme de véritables acteurs économiques. Depuis sa création, le Crédit d’impôt Métiers d’Art est régulièrement remis en question, replafonné à la baisse, rendu inutilement complexe et tatillon pour le rendre impraticable. Les Gouvernements ne font pas tant de difficultés pour les investissements outre-mer ou à portée touristiques que je sache.

La question de la viabilité économique des entreprises des Métiers d’art, quant à elle, est systématiquement occultée des réformes, des discours, des lois ou des rapports concernant de près ou de loin les Métiers d’art !

Car si nous vivons par le talent et par la créativité, par l’invention et par l’audace, en tant qu’êtres humains, nous ne vivons pas de ceux-ci mais de nos revenus ! Lorsque les questions matérielles viennent sur la table, on nous répond par des flatteries : « ah le beau métier », « ah c’est une passion ».

Lorsqu’on attend des pouvoirs publics des incitations à l’achat, voire un programme d’achats des productions des Métiers d’art, on nous répond qu’il y aura des Fab-Lab, on nous répond « Institutions », on nous répond programme de sensibilisation, on nous répond « réforme de la filière de formation », on nous répond ce qu’on veut mais on ne répond pas à la question qui est « comment faire pour que les artisans, les salariés, les entreprises des Métiers d’art puissent mieux vivre de leurs ouvrages » ?  Et pour cautionner ces « non-réponses », on convoque régulièrement les institutions peu ou prou dépendantes de l’Etat pour reformuler le même sempiternel discours d’inaction concrète et faire comme si…

Un rapport sur les Métiers d’art commandé par le Premier Ministre vient d’être publié. Rien ne parle concrètement de la dimension économique de ces vrais acteurs économiques que sont les entreprises œuvrant dans les Métiers d’art. De la poudre aux yeux, de l’institutionnel, du hors sujet. A croire que les Métiers d’art tiennent uniquement du « hobby » ou de l’agrément des populations. Les Métiers d’art, eux, n’ont même pas de levier équivalent à la production cinématographique pour se développer. Et pourtant tous sont d’accord en haut-lieu pour classer les Métiers d’art dans les exceptions culturelles et économiques propres à la France. Dont acte.

Je souhaite aussi évoquer les craintes, déjà partiellement justifiées, concernant le dispositif de formation initiale et continue dont la révolution est mise en œuvre depuis le début de cette année. Cette réforme touche par différents biais, la formation continue des chefs d’entreprises de l’artisanat, les salariés et l’apprentissage. Force est de constater que les mesures prises vont à l’encontre des intérêts des concernés quoique l’on nous dise.

Pour les chefs d’entreprises de l’artisanat, le simple changement de collecteur des contributions à leur formation continue a conduit à une impasse budgétaire qui met en cause le droit à la formation des artisans et met en danger l’écosystème de la formation continue des artisans. Le Fonds d’assurance formation des Chefs d’entreprise de l’Artisanat, que préside notre Collègue Gilles Chatras, présent ce soir, a été gravement mis en danger et au-delà les centres de formation et tous les formateurs dont l’activité est suspendue du fait de l’incompétence de certains décisionnaires et organismes collecteurs.

Pour les salariés, dont l’accès à la formation continue est perverti par un système reposant sur l’individualisation à outrance de la décision de se former et de progresser ! Tout cela au nom d’une prétendue liberté de choisir son avenir professionnel ! Le système de formation continue aura totalement changé de nature et d’objectifs entre le 31 mars et le 1er avril de cette année. Il sera passé d’une gestion paritaire à une mainmise de l’Etat. On peut s’inquiéter des finalités précises de cette réforme.

Pour l’apprentissage, enfin, qui ne va certainement pas s’épanouir dans le modèle libéral et concurrentiel qu’on cherche à faire émerger. Non les CFA ne sont pas des entreprises du CAC 40, ce n’est pas leur ADN. C’est un modèle « Business School » qui est en pointillé dans cette réforme ou le business est plus important que l’apprentissage. Et où l’entreprise devra certainement encore payer plus. On verra sans aucun doute les chiffres de l’apprentissage s’effondrer au lieu de s’envoler !

De tout cela on peut craindre que l’artisanat et plus précisément les Métiers d’art souffriront. Nous pourrions dire que nous en avons l’habitude. Oui. Mais nous sommes lassés de n’être jamais écoutés et de n’être invités à la table des discussions que pour la forme.

Je voulais terminer sur une note d’optimisme et de réelle fierté.  Ma fierté vient du fait que notre Organisation Professionnelle, sans réels moyens financiers, sans grands moyens humains mais avec du bon sens et de la volonté a conduit à faire d’une contrainte administrative et fiscale, une réussite humaine et un projet partagé.

Nous vivons dans une société qui laisse sur le bord du chemin de nombreuses personnes jusqu’à parfois les exclure et peut-être même de plus en plus.

C’est cette même société qui considère le mobilier comme un bien jetable. Je vous rappelle que pour l’administration, la durée de vie d’un meuble c’est deux ans !

Or, ce sont à ces mêmes personnes que l’on propose une seconde chance en valorisant du mobilier condamné à la destruction et qui lui aussi obtient ainsi une deuxième vie. C’est un processus qui, prenant en considération ce qui est rejeté, génère finalement de nouvelles richesses et de nouvelles compétences.

Nous sommes en plein dans les volontés affichées de nos gouvernants mais là encore, la vraie vie démontre que les mots sont loin de la réalité. En effet, il n’est pas certain que les « plus éloignés de l’emploi », bénéficient de cette réforme qui pourtant s’appuie sur ce point pour se mettre en place. Les entreprises et structures de l’insertion par l’activité économique peuvent témoigner du peu d’effet sur leurs ressources et outils.

La majorité des entreprises de ce pays sont dirigées par des gens responsables, peu ont fait les grandes écoles, mais tous travaillent et créent des richesses. Nous pourrions un jour être reconnus capables aussi de savoir ce qu’il convient de faire et de décider et comment le faire au moins en ce qui concerne la transmission des savoirs et la recherche de la compétence.

Mesdames, Messieurs, je vous remercie pour l’attention que vous m’avez accordée.

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