Entretien avec M Gilles CHATRAS – Président du FAF CEA

LA FORMATION CONTINUE DES ARTISANS EN MUTATION !

Au terme de son 2e mandat effectué en tant que Président du FAFCEA, M. Gilles Chatras a accepté de répondre aux questions de la Lettre de l’UNAMA.

 

Monsieur le Président, pouvez-vous revenir en termes de bilan sur ce qu’a été l’année 2019 pour le FAFCEA ?

G.C – L’année a difficilement commencé par suite du changement de collecteur en 2018 avec d’importants problèmes du fait d’une collecte partiellement recouvrée et très vite l’apparition de problèmes de trésorerie. Cette situation a conduit le FAFCEA à suspendre ses engagements dès mars 2019. 

Concrètement, les demandes de financement formulées auprès du FAFCEA ont été suspendues (et non pas refusées) pour des actions de formation auxquelles les chefs d’entreprise artisanale souhaitaient participer.

Pour lever cette situation de suspension, une solution temporaire a immédiatement été recherchée en liaison étroite avec le Ministère du Travail.

En parallèle, un lobbying intensif a été mis en œuvre auprès des députés et sénateurs afin de les sensibiliser quant aux impacts de cette situation pour nos collègues Artisans, pour qui la formation est un enjeu majeur, ainsi que les risques indirects encourus sous l’angle de l’offre de formation disponible pour les 500 métiers de l’Artisanat.

La situation a été surmontée en mai 2019 par l’engagement d’une avance de trésorerie ordonnée par le Ministère du Travail et la modification des critères de financement du FAFCEA. 

Cette modification des conditions de financement a été rendue nécessaire par la baisse de collecte subie par le FAFCEA (malgré l’apport de trésorerie) mais aussi parce qu’elle répondait à la volonté du Gouvernement d’encadrer les dépenses de formation continue. 

 

Les conséquences concrètes sur le terrain sont-elles visibles ?

G.C. – Oui : au terme de l’année 2019 on peut constater une baisse des dépenses de plus de 13% des engagements financiers du FAFCEA comparé à 2018. Il est évident que des projets de départs en formation ont été abandonnés par un nombre significatif d’artisans, cela dans un contexte global de transformations, et des incertitudes liées, au monde de la formation professionnelle continue.

Il est également évident que nombre d’organismes de formation ont été impactés.

 

Quelle est la situation du FAFCEA et de la formation continue à court terme ?

GC – On peut dire que le FAFCEA s’est mobilisé pour être en mesure d’assumer dans les meilleures conditions en 2020 sa mission, cela au regard des moyens octroyés par le Gouvernement. En ce sens le financement des formations en 2020 s’effectuera sur la même base que les critères actuellement en vigueur – définis en milieu d’année 2019 – (par exemple pour les formations techniques : 25€ de l’heure, 2 formations par an dans la limite de 50H par an maximum).

 

La création début janvier 2019 d’un CPF pour les artisans, commerçants et indépendants indique-t-il une volonté à terme de fusionner ou au moins d’aligner les droits de ceux-ci avec ceux des salariés ?

GC – C’est une volonté du Gouvernement de « raccorder » le système de financement de la formation continue des artisans aux droits ouverts à ceux des salariés. Ce système sera plus encadré, plus contrôlé. 

Tout n’est pas encore résolu ou acté, notamment le fait qu’une fusion des deux systèmes, celui des salariés et celui des chefs d’entreprises, pourrait impliquer une gouvernance paritaire – c’est-à-dire avec les représentants des salariés –, ce qui peut paraître compliqué a priori. Cela étant, à ce stade, rien n’est encore défini.

 

Ce système va-t-il orienter la consommation de formation vers des formations a minima « certifiantes » comme pour les salariés si l’on souhaite une prise en charge ?

GC – Cela semble être la voie prise : celle de la certification, tant des formations que des Organismes de formations eux-mêmes. Ce dispositif est avant tout un dispositif de régulation, tant sur le plan du contenu des formations que sur le plan budgétaire.

 

Cette orientation aura-t-elle également des incidences d’une part sur l’offre de formation et d’autre part sur le taux de prise en charge, notamment sur l’éventualité d’un « reste à payer » à la charge du chef d’entreprise ?

GC – La participation financière directe et personnelle de l’artisan en complément du plafond accordé par le CPF est à terme une éventualité que l’on ne peut nier, mais c’est une possibilité, pas encore une fatalité.

En tout état de cause, même avec un reste à charge potentiel, un départ en formation est un investissement pour un chef d’entreprise et non pas une charge ou une dépense comme nous pourrions le penser de manière spontanée.

Quant à la réduction de l’offre de formation à cause de la certification : dans le cadre de l’Artisanat tous les savoirs et tous les savoir-faire ne sont pas forcément certifiables. Cela appauvrira certainement certains métiers sans que nous puissions en prendre la mesure à ce stade. 

 

Propos recueillis par Patrick Kruse – directeur délégué de l’UNAMA

Partager